
« Je prépare ma disparition non par peur de vivre, mais par amour, pour que mon absence devienne une douceur et non un fardeau.. »
Un jour, j’ai compris que la vie ne me doit aucune explication et qu’elle coupe parfois la parole en plein milieu d’une phrase. Alors j’ai décidé de finir la phrase moi-même : j’ai enregistré un message vidéo pour ceux que j’aime.
Pourquoi une vidéo, et pas une lettre ? Parce que la voix porte tout ce que l’encre ne sait pas mettre au bord des lignes : les silences, les hésitations, les petites rires nerveux, la manière dont les yeux sourient avant la bouche. Un visage, un souffle, une intonation, c’est déjà une étreinte. J’ai voulu que, si un jour je ne peux plus répondre, ma voix réponde quand même.
Je le fais pour apaiser. Le deuil, c’est un millefeuille d’émotions qui s’empilent n’importe comment. Si je laissais un trou, mes proches y glisseraient des questions sans fin. Mon message n’a pas réponse à tout, mais il dit l’essentiel : “Je vous aime, je suis fier de vous, et vous pouvez continuer.” Parfois, une phrase suffit à remettre un peu d’air entre deux battements de cœur.
Je le fais pour transmettre. Pas un héritage d’objets : un héritage de repères. Mes petits conseils de cuisine, mes deux ou trois astuces pour réparer ce qui casse, mes mots pour les jours d’orage, mes souvenirs rangés dans la lumière. Les valeurs ne sont pas des ordres : ce sont des invitations. Je voudrais qu’ils puissent m’entendre dire : “Choisis la bonté. Et quand tu doutes, choisis-la encore.”
Je le fais pour autoriser la vie à continuer. Ce message n’est pas un cadenas posé sur leur avenir. C’est une clé laissée sur la table : “Vous avez le droit de rire sans moi. Vous avez le droit de partir en vacances. Vous avez le droit d’être heureux.” Ça semble évident quand on est là ; ça devient précieux quand on ne l’est plus.
Et je le fais aussi pour m’aider moi. Enregistrer a transformé ma peur en geste concret. J’ai rangé mes idées, choisi mes mots, accepté la fragilité. Une fois le fichier conservé en sécurité, j’ai respiré mieux. Savoir que ce message existe ne m’attriste pas : ça me libère.
Alors oui, j’ai appuyé sur “Enregistrer”. Parce que l’amour mérite qu’on prépare sa trace. Et parce que, si la vie coupe le son, j’aimerais qu’il reste encore un peu de musique.